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Arrietta : retour de flamme

Parfois les cinéastes d'avant garde ont les mêmes problèmes que certains réalisateurs de films de genre. Si Adolpho Arrieta a la même nationalité que Jesus Franco, on ne peut pas dire qu'ils ont connu le même traitement en dvd. Pourtant, Arrietta a bénéficié d'une reconnaissance critique de son travail très tôt. Dans le sillage de cinéaste devenu culte aujourd'hui (Mekas, Schroeter, Garrel, Eustache, Warhol), Adolpho Arrietta est resté comme un secret de cinéphile, exception faite de son Flammes (repris en salle l'année dernière par Capricci).

Il était donc plus aisé de découvrir un Franco qu'un Arrietta et ce, depuis de nombreuses années. Mais cela va changer grâce à Re:voir qui propose pour la première fois au monde un coffret regroupant l'intégrale de ses œuvres réalisées entre 1965 et 2008.

Une box qui se révèle plus proche d'un coffre renfermant des trésors inestimables et singuliers pour une œuvre à la fois poétique et mystérieuse.


Quand on évoque le cinéma d'Arrietta, on parle rarement d'histoire mais plutôt des moments sublimes qui les traversent et qui marquent le spectateur indélébilement. Autant donner la parole à l'artiste qui dans l'ouvrage de Philippe Azoury, Un morceau de ton rêve, s'est épanché sur plus de quarante ans de cinéma

DVD 1 :
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LE CRIME DE LA TOUPIE / 1965 / 18mn
"Biette disait que mon premier court-métrage [...] contenait déjà la métaphore de tout mon cinéma, cette façon de faire touner le sens. Peut-être qu'il y a une morale de la toupie, et j'aie bien faire tourner le sens en bourrique, ou faire des films changeants, virevoltants, où il y a toujours des surprises à attendre."
JOUET CRIMINEL / 1969 / 37 mn

"Le Jouet Criminel, le film que j'ai tourné avec Jean Marais. C'est un film complètement illogique, absolument absurde, teinté de beaucoup de lyrisme. C'est de loin le plus fou de ma filmographie."

Inclus LA IMITACION DEL ANGEL / 1966 / 21mn

DVD 2 :
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LES INTRIGUES DE SILVIA COUSKI / 1974/ 71mn
"Les Intrigues sont fantasmagoriques et documentaire à la fois. Ces travestis et leur façon de marcher dans Paris existaient bel et bien. Ces fêtes existaient. On ne les as pas inventées pour le film. [...]
On considère Les Intrigues de Silvia Couski comme un film plus érotique parce qu'il est peuplé de travestis. Mais les travestis ne sont pas érotiques, ils sont innocents. Ils sont comme les anges. C'est une chose complètement mentale, complètement spirituelle, le travestissement."
TAM TAM / 1976 / 57 mn
"Douze heures de rushes, si je me souviens bien. Des images très belles, que je ne savais où placer, des plans de visages [...] Des séquences qui ne correspondaient plus à ce que devenait le film au montage. Ça, plus les multiples prises de vues sous d'autres angles. J'ai tendance à beaucoup tourner."
DVD 3 :
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POINTILLY / 1972 / 39 mn
"Pointilly était un film que j'avais beaucoup coupé au montage, qui devait avoir une durée plus longue, mais dont il ne reste au final que trente minutes. On ne coupe pas à ce point, on n'arrive pas à une durée aussi sèche, sans une certaine frustration : celle de n'avoir pas su dire les choses."
FLAMMES / 1978 / 82 mn
"Une fois, j'étais resté seul dans la maison de Flammes, les autres étaient allées dormir, je travaillais au plan du lendemain quand soudain j'ai perdu la séparation entre le film et la réalité. J'ai eu le sentiment que le film était la réalité, je cherchais le père, la fille, les habitants de la maison, je ne savais plus qu'il s'agissait d'acteurs...Ça a duré quelques secondes, peut-être un peu plus, mais je crois à ce moment-là que j'étais au bord du délire."
DVD 4 :
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GRENOUILLES / 1984 / 35mn
Après Flammes, [...] j'ai écrit Grenouilles, que j'ai tourné en 1983 sur un mois, en Catalogne, à côté de la mer, sur la Costa Brava. Mais le scénario n'était pas très clair, et j'ai tourné le film dans une situation très délirante, totalement paranoïaque : la productrice acceptait que j'aie mon équipe, mais elle avait aussi emmené son équipe ! Ingérable. [...] Mais il y a dans Grenouilles quelques scènes, notamment une scène entre Elisabeth Bourgine et Pascal Greggory dans une piscine, qui est une des choses les plus belles, les plus érotiques, que j'aie jamais réalisées.

MERLIN / 1990 / 58mn
"Merlin, qui était plus compliqué, je sentais qu'il fallait que j'aie en plus du scénario un appui ; j'ai tout story-boardé, de façon si précise qu'ils étaient obligés de faire comme ça et pas autrement - et comme j'étais en conflit avec toute l"équipe, c'était un supplice pour eux et un délice pour moi."

Inclus KIKI / 1989 / 22mn

DVD 5 :
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Dans ce cinquième dvd sont regroupés les dernières oeuvres d'Adolpho Arrietta réalisées en DV :

ECO Y NARCISO / 2003 / 19mn
VACANÇA PERMANENTE / 2006 / 29mn
DRY MARTINI / 2008 / 7mn
"Au lieu de me demander pourquoi je filme, vous feriez mieux de me demander pourquoi je ne filme pas. Maintenant, il y a beaucoup de temps entre chaque film. L'idéal serait de filmer tout le temps. Filmer, c'est une envie que je ne peux discuter, ce n'est pas une raison, c'est une envie."

Adolpho Arrietta in Libération, 1983.

"J'attendais le digital. Maintenant il est là."

Le coffret 5 dvd - digipack cartonné est en vente sur theendstore.com

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L'ouvrage de Philippe Aoury est également en vente sur theendstore.com

Moins connu que Jean Eustache, Philippe Garrel ou Marguerite Duras, dont il fut l’ami, Adolpho Arrietta est pourtant l’un des grands cinéastes underground des années 1970-1980. L’univers de ce magicien du cinéma, digne héritier de Jean Cocteau, va de Madrid à Paris, mais aussi de Jean Marais à Enrique Vila-Matas, des Cahiers du cinéma aux Gasolines : toute une histoire légendaire, à la fois glamour et fauchée, qui revit ici avec brio.

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