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Coffret World Cinema Fondation

Il faut bien l'avouer certaines sorties dvd paraissent moins excitantes que d'autres. Mais seulement en apparence car l'auteur de ces lignes doit l'avouer, c'est grâce à une critique élogieuse dudit coffret que THE END a souhaité le proposer à la vente dans notre boutique (theendstore.com)

Encore une fois les Cahiers du Cinéma remplissent leur rôle de critique et de guide et confirment mois après mois tout le bien que l'on pense d'eux.



La World Cinema Foundation est une organisation à but non lucratif, présidée par Martin Scorsese, qui se consacre à la préservation et à la restauration d’oeuvres essentielles du patrimoine cinématographique mondial.

4 classiques du patrimoine cinématographique mondial restaurés par la World Cinema Foundation, une association fondée par Martin Scorsese dans le but d’aider les pays en développement à préserver leurs trésors cinématographiques. Voyage dans la musique du Maroc, Transes est un portrait du pays à travers ses artistes. Chef-d’œuvre du cinéaste sénégalais Djibril Diop Mambety, Le Voyage de la hyène raconte le rêve d’ailleurs de deux jeunes nomades. Les Révoltés d’Alvarado est le premier film de Fred Zinnemann, situé chez les pêcheurs au Mexique. Enfin, La Flûte de roseau, un superbe conte kazakh de vengeance, est un véritable joyau inconnu de l’histoire du cinéma !

Les Révoltés d'Alvarado de Fred Zinnemann et Emilio Gómez Muriel (1936)

À Alvarado, le poisson fait cruellement défaut et les pêcheurs se trouvent démunis. Miro doit enterrer son fils qu’il n’a pas pu soigner. Quelques jours plus tard, les poissons abondent par centaines et le travail prospère à nouveau. Miro part en mer avec un groupe d’hommes engagés par Don Anselmo, un notable de mèche avec un politicien local. Mais au retour, le salaire qu’on leur verse est ridicule. Indigné, Miro prend la tête d’un mouvement de contestation. Commence alors la révolte des pêcheurs…

« Le premier (et le dernier) film de son genre, Les Révoltés d’Alvarado devait jouer un petit rôle dans le projet du gouvernement mexicain pour éduquer des millions de citoyens illettrés à travers ce gigantesque pays et les sortir de l’isolation. (…) Nous avions recruté pratiquement tous les "acteurs" parmi les pêcheurs locaux, qui n’avaient rien à faire de plus qu’être eux-mêmes. C’étaient des amis formidables et loyaux, travailler avec eux fut une joie. En plus de faire les acteurs, ils transportaient le matériel, manœuvraient les barques et effectuaient une multitude de tâches, gagnant ainsi plus d’argent que jamais tout en s’amusant follement. » Fred Zinnemann

Les Révoltés... fut marqué par les relations orageuses entre Fred Zinnemann et Paul Strand, mâtre de l'école documentaire de la nouvelle photographie américaine, chargé des prises de vues. Le tout sous l'oeil du co-réalisateur du film [...] ancien assistant de Flaherty, Zinnemann était intéressé par la nature anthropologique du projet, la description du qotidien d'un village de pêcheurs aux prises avec l'avidité de leurs employeurs. [...] cette approche était à l'opposée de la vision de Paul Strand, qui envisageait le film comme une succession de tableaux mettant l'accent sur la beauté du cadre. De cette divergence est née une œuvre très hétérogène, statique et picturale par moments, dynamique et dramatique à d'autres, ce qui en fait toute la richesse. [...]
Ce récit rappelle évidemment La Terre Tremble de Visconti réalisé en 1948 et dont Les Révoltés d'Alvarado semble une souce d'inspiration. [...] Les Révoltés d'Alvarado est une œuvre charnière dans l'histoire du cinéma sud-américain, influençant des générations de cinéastes militants, aux premiers rangs desquels Glauber Rochar dont le premier long-métrage, Barravento (1961) rappelle beaucoup la révolte des pêcheurs d'Alvarado.
Ariel Schweitzer in Cahiers du Cinéma #678 - Mai 2012
Le Voyage de la Hyène aka Touki Bouki de Djibril Diop Mambety (1973)

Anta, une jeune fille des quartiers pauvres de Dakar, s’est amourachée de Mory, un gardien de troupeau qui conduit une moto ornée d’un crâne de vache. Au sein d’une société cruelle prise entre tradition et modernité, tous deux forment un couple de marginaux. Ils s’inventent des histoires pour s’évader et, face à la mer, rêvent de prendre un bateau qui les mènera en France. En route, tous les moyens sont bons pour trouver les ressources nécessaires : jeux d’argent, vol ou escroquerie…

« L’histoire du Voyage de la hyène est vieille comme le monde : les hommes sont toujours partis en quête de pays étrangers où le temps ne s’arrête jamais. (…) Ce portrait de la société sénégalaise de 1973 n’est pas très différent de la réalité actuelle. Chaque jour au détroit de Gibraltar, des centaines de jeunes Africains perdent la vie en tentant de rejoindre l’Europe. Qui n’en a jamais entendu parler ? Le film de Djibril porte la voix de leur douleur : ces jeunes nomades pensent pouvoir franchir l’immensité de l’océan en suivant une bonne étoile, un rêve de bonheur, mais ne font que rencontrer la cruauté des hommes." Souleymane Cissé

Il est difficile de mesurer l'aura de légende qui émane de Touki Bouki (1973) dans l'histoire du cinéma africain. La sortie en dvd, sous le titre Le Voyage de la hyène [...] du premier long métrage de Djibril Diop Mambety redonne vie à une œuvre longtemps restée invisible. Deux raisons au moins expliquent le culte qui entoure aujourd'hui encore le film. La première tient à son statut météorique : par sa modernité, sa jeunesse, le souffle qui emporte son récit, Touki Bouki a changé le ciel d'un cinéma africain largement déterminé, dans une période imprégnée de la pensée marxiste et nationaliste des indépendances, par le souci de didactisme et la faible intensité des enjeux formels des films d'un autre Sénégalais, le pionnier Ousmane Sembene, auteur du premier long métrage africain quelques années plus tôt (La Noire de..., 1965).
La deuxième raison tient à la personnalité hors normes de son auteur. Djibril Diop Mambety n'a laissé qu'une poignée de films (deux longs et cinq moyens métrages en trente ans) et a porté sa figure d'artiste bohème à un degrés de romantisme difficilement formulable. Avec l'interminable silence qui a immédiatement suivi Touki Bouki (vingt ans le séparent de Hyènes en 1993), il semble que tout le cinéma africain, bien avant la disparition de l'auteur en 1998 (à 53 ans), ait porté le deuil de ce poète errant que les héros de ses films, enfants et marginaux des quartiers populaires de Dakar, sacrèrent "prince de Colobane".

Vincent Malausa in Cahiers du Cinéma #678, Djibril Diop Mambety, la liberté sans condition - Mai 2012




Transes de Ahmed El Maanouni (1981)

Nass El Ghiwane est un groupe de musiciens marocains formé dans les années 70 au cœur de l’un des quartiers pauvres de Casablanca. Mêlant grands thèmes traditionnels et incantations laïques, leur musique puise dans le creuset de la culture populaire. Les chansons racontent aussi bien les joies du monde qu’elles pleurent les poètes défunts, clamées au son de rythmes frénétiques. Au détour des rues comme dans les salles de concert bondées, l’explosion musicale déclenchée par Nass El Ghiwane met les foules en transe…

« En 1981, je travaillais de nuit sur le montage de La Valse des pantins. La télévision était tout le temps allumée. Un soir, vers deux ou trois heures du matin commence un film intitulé Transes. Ils l’ont passé plusieurs fois, plusieurs nuits. J’ai tout de suite été fasciné par la musique, mais aussi par la façon dont était conçu ce documentaire. (…) Ce mélange de poésie, de musique et de théâtre permet de revenir à l’origine de ce qu’est la culture marocaine. Les musiciens chantent leur pays, leur peuple, leurs souffrances. Ce film, depuis ces années-là, est devenu une obsession pour moi. » Martin Scorsese

Il n'est pas étonnant que Martin Scorsese, qui participa au tournage et au montage de Woodstock, soit tombé amoureux de ce film marocain électrique? L'ouverture de Transes est une plongée dans un concert habité du groupe Nass El Ghiwane, où un public jeune et ardent communie avec la rythmique fiévreuse de Larbi Batma. [...] Commencé sur une étreinte, Transes étreint de même son spectateur, troublé et reconnaissant, captif de ce document précieux comme d'un continent perdu.
Florence Maillard, Op. Cit.
La flûte de Roseau de Yermek Shinarbayev(1989)

Il y a longtemps, un poète s’opposa à son roi avec ces mots : « La poésie ne naît pas au son d’une exécution. » En 1915, dans la campagne coréenne, un instituteur est pris de rage et assassine l’une de ses élèves, la fille d’un vieux paysan qui lui avait refusé l’hospitalité. Ce dernier traque l’assassin jusqu’en Chine mais, une fois arrivé face à lui, ne trouve pas la force de le tuer. De retour chez lui, le paysan décide de prendre une jeune concubine et met au monde un garçon, Sungu, qu’il élève dans un seul but : la vengeance…

« Au début des années 1940, des centaines de milliers de Coréens qui vivaient en Extrême-Orient russe depuis le XIXe siècle furent chassés par Staline du jour au lendemain. On les considérait comme des traîtres et des ennemis publics. Femmes, enfants et vieillards durent partir sans que la moindre explication ne leur soit donnée. La diaspora coréenne, qui représente plus d’un million de personnes, est un sujet interdit depuis de nombreuses années. La Flûte de roseau est le premier film qui raconte leur tragédie. » Ermek Shinarbaev

Le titre français diffère de l'original : c'est Gilles Jacob qui, en invitant le film au Festival de Cannes en 1991, demande au cinéaste de le changer. Shinarbaev et Kim proposent alors ce titre énigmatique. [...] Le titre original Mest ("vengeance"), renvoie à un même manque de libre-arbitre, celui de Sungu hanté par un dessein de vengeance pour lequel il a été mis au monde et qui l'empêche de suivre sa véritable vocation de poète.
Eugénie Zvonkine,Op. cit.


Des œuvres méconnues, rééditées de manière somptueuses par Carlotta dans ce coffret, couronné du prix du meilleur coffret DVD 2012 aux DVD Awards du Festival Il Cinema Ritrovato à Bologne. Des films qui ouvrent le regard sur des cinématographies peu mises en avant, et pour cause car bien souvent marginales. Dans notre monde mondialisé, il serait temps que l'équilibre nord-sud se fassent aussi dans le cinéma.

Prix : 40 euro

en vente sur theendstore.com

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