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Kenneth Anger, cinéaste Magick

The Vision and the voice
the view from devils tower
the snake with tail on tongue
the broken silver wand

Magick - Klaxons

Le blog du fanzine Peeping Tom a l'heureuse initiative de nous offrir une lecture du livre culte de Kenneth Anger, Hollywood Babylone, une occasion pour présenter l'œuvre de ce cinéaste génial et novateur.


Né le 3 février 1927 (joyeux anniversaire Mr Anger), Kenneth Wilbur Anglemeyer - de son vrai nom - (la colère viendra bien plus tard), grandit en Californie à Santa Monica entouré de son père travaillant dans l'aéronautique, d'une mère handicapé et d'une grand-mère costumière pour le cinéma. Et c'est cette dernière qui sera à l'origine de sa carrière dans le cinéma.

Figure tutélaire : la grand-mère Bertha, ancienne costumière dans le cinéma, auprès de laquelle la famille s'est rapproché pendant le Dépression. [...] C'est elle qui, par exemple, l'inscrit à des cours de danse et l'éblouit en exhibant les robes insensées qu'elle fabriquait pour les stars du muet. C'est elle aussi qui se débrouille pour que son petit fils soit engagé comme figurant en 1935 dans Songe d'une nuit d'été réalisé par William Dieterle et Max Reinhardt, le célèbre dramaturge viennois [...] L'expérience est un choc. [...] Reproduire l'instant magique devient donc une sorte d'obsession que l'enfant poursuit dans les petits films que ses parents le laissent faire avec la caméra 16mm familiale. Devenu adolescent, il prend le nom d'Anger ("rage" en anglais) et décide de réaliser dans ses films les fantasmes d'une homosexualité qu'il découvre. Son premier coup de tonnerre est Fireworks, tpourné en 1947, alors que l'homosexualité est passible de prison aux Etats-Unis. Durant un week-rend où ses parents sont absents, Anger invite des étudiants de l'USC (University of Southern California) chez lui. [...] Kenneth convainc ses petits camarades de mimer une séance de torture et de viol sur un jeune homme, en l'occurrence lui-même, le lardant de coup de pied et le fouettant avec des chaines. Tandis que le sang lui jaillit des yeux, une fusée explose littéralement sa braguette, métaphore saisissante de la jouissance d'une sexualité assumée, tandis qu'un sapin de Noël brûle en arrière plan. La première projection à Los Angeles est interrompue par la police. Anger est inculpé d'obscénité, et il lui faudra faire appel à la cour suprême de Californie pour éviter la prison.

Ces premiers pas lui valent de rares mais vibrants éloges. Ceux du sexologue Alfred Kinsey, avec qui le cinéaste restera lié jusqu'à sa mort. Jean Cocteau aussi lui envoie une lettre enflammée. Anger avait expédie le film à Biarritz pour la première et unique édition du Festival du film maudit en 1949, organisé par le ciné-club Objectif 49[...]
Anger est bouleversé par les mots de Cocteau : " Votre œuvre vient de la nuit noire de l'âme." Il ne lui en faut pas davantage pour faire ses valises et débarquer à Paris où il rencontre Jean Genet, Colette et Henri Langlois, patron de la cinémathèque. Il travaille à un film inspiré du ballet de Roland Petit et Cocteau le jeune homme et la Mort [...] Il réussit même à exhumer les copies de Que Viva Mexico ! d'Eisenstein, dont il restaure le montage voulu par le cinéaste russe. Il réalise aussi Rabbit's Moon, une histoire de clown qui débarque sur la lune où vit un lapin géant, mais le film reste inachevé. Anger voyage aussi un peu en Europe. En 1953, à Rome, il réalise Eaux d'artifice, une visite irréelle des jardins de Tivoli et ses fameuses fontaines. [...] L'année suivante, il réalise Inauguration of the Pleasure Dome, le premier accomplissement de son cinéma. [...] Le film est inspiré par les ouvrages et la vie d'Aleister Crowley. Ce mage britannique, mort à 72 ans en 1947, était rentier et sévèrement secoué. Il avait fondé un catéchisme un peu singulier mêlant diverses mythologies paganistes et remettant au goût du jour les antiques divinité"s égyptiennes.. [...] Evidemment, Anger est depuis son adolescence un fan absolue Crowley, même si, par souci d'indépendance, il n'a jamais adhéré à l'église fondée par l'original anglais. Dans la distribution de Pleasure Dome, Anger convie de vieux amis. L'écrivaine Anaïs Nin, qu'il a connue à San Francisco et qui lui aurait fait fumer son premier joint, et Marjorie Cameron, la veuve de Jack Parsons, un autre spécimen des amis d'Anger. ce brave homme était un ingénieur brillant qui travaillait pour l'industrie spatiale américaine. [...] Parsons était aussi le "fils magique", autrement dit spirituel, d'Aleisteir Croxwley.


A cette époque, Anger écrit également beaucoup sur l'un de ses dadas favoris : les coulisses crapoteuses d'Hollywood. Il reprend les coupures de presse qu'il compilait dans son enfance et en fait un livre sulfureux au titre aguichant : Hollywood Babylone. Personne n'en veut aux États-Unis par peur du scandale et c'est à Paris, chez Jean-Jacques Pauvert, qu'est éditée la première version de l'ouvrage en 1959. On y découvre la mort sordide de stars oubliées du muet, le surnom de James Dean ("le cendrier humain") ou encore les circonstances durant lesquelles le magnat de la presse américain William Randolph Hearst manqua de peu de flinguer Chaplin qu'il soupçonnait de lutiner sa maitresse, Marion Davies. Le livre, jugé complaisant et ironique, ce qu'il est assurément, est aussi le témoignage le plus limpide, le plus évident sur cet Hollywood qui se meurt alors que personne, à part Anger, n'a encore perçu les premiers signes de la putréfaction.

Au cours de l'un de ses allers-retours entre Europe et États-Unis, Anger invente au début des années 60 une iconographie gay qui fera durablement école. Scorpio Rising est un documentaire rythmé au son de la pop du moment (Blue Velvet entre autres) sur des loulous motards, bardés de cuir et de gomina, qui se retrouvent chaque week-end à Brooklyn. Ils sont jeunes, beau, rebelles et diaboliquement cinégéniques. Anger film ce choc érotique et devient amis avec l'un dans d'entre eux Bruce byron alis Scorpio. Après le tournage, le réalisateur rentre dans son appartement de Silver Lake, à Los Angeles pour le montage. En plein travail il est interrompu par un coursier qui lui livre des bobines "je pensais qu'un studio me rendait un des films que je leur avait envoyé mais c'était une erreur d'adresse. il s'agissait d'un film de cathéchisme intitulé The Last journey to Jerusalem, dans lequel on découvre le dernier périple de Jésus. Un don des Dieux. J'ai ajouté des passages de ce film à mes images sur les motards." Scorpio et Jésus, deux rebelles réunis en un seul trait de génie.
Barré par la censure américaine, Anger trouve à Londres dans les années 60 un accueil on ne peut plus chaleureux. Ses connaissances encyclopédiques sur Aleisteir Crowley lui valent l'amitié de quelques célérités, dont Mick Jagger et Keith Richards, en pàleine exploration ésotérique, et surtout Jimmy Page, le guitariste de Led Zeppelin[...]
C'est dans cette ambiance qu'Anger se lance dans l'écriturev de ce qui devait être son grand oeuvre, Lucifier Rising. Pour trouver son Lucifer, celui qui apporte la lumière, il s'installe à San Francisco. mick Jagger ayant refusé dans un instant de lucidité d'incarner Lucifer, Anger trouve son interprète en la personne d'un jeune musicien camé jusqu'aux yeux, Bobby Beausoleil. Très mauvaise pioche, puisque le jeune homme est un membre de la Family de Charles Manson. [...]
Le cinéaste utilise les chutes de Lucifer rising pour son nouveau projet, Invocation of my Demon brother, un autre rite magique où il se montre au sommet de son art, et dans lequel il se met en scène comme l'ordonnateur de ce monde merveilleux

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Le texte ci-dessus est extrait de l'article de Bruno Icher paru dans Libération le 11 août 2010.

Si toutes ses informations et anecdotes vous ont donné envie de découvrir l'univers haut en couleurs de Kenneth Anger sachez qu'un coffret en zone 1 ou en zone 2 (seul les bonus divergent) est disponible à la boutique.


Fireworks (1947)
Puce Moment (1949)
Rabbit's Moon (1950/1971, the rarely seen 16mins version)
Eaux d'Artifice (1953)
Inauguration of the Pleasure Dome (1954)
Scorpio Rising (1964)
Kustom Kar Kommandos (1965)
Invocation of My Demon Brother (1969)
Rabbit's Moon (1979 version)
Lucifer Rising (1981)

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